JOYA Barcelona 2013 presents « Jorge Manilla - Contemporary Savagery »
«Para algunas personas la violencia es la prueba viviente de que el hombre es salvaje… para otras es el camino hacia la civilización. Sin tomar en consideración nuestra percepción y entendimiento del tema, lo único de lo que podemos estar seguros es que la violencia es parte de nuestra condición de seres humanos y está motivada por emociones crudas: miedo, pasión, celos, dolor, tristeza y hasta amor son conceptos que se encuentran dentro de las razones que llevan a la violencia. Mis objetos no son sólo materiales y formas distorsionadas sino emociones diseccionadas, memorias rotas y órganos que revelan un alma desnuda y la fragilidad de nuestra situación».
«For some people violence is living proof that man is a savage… for other people it is the road to civility. Regardless of our understanding or appreciation of the subject, the only thing that we can be sure of is that violence is a part of our human nature and is motivated through raw emotions: fear, passion, jealousy, pain, sadness and even love are concepts that are buried within the reasons for violence. My objects are not merely materials and distorted shapes but rather dissected feelings, broken memories, and dry organs that reveal a naked soul and the fragility of our situation».
Jorge Manilla durante su conferencia en Joya Barcelona 2013
D’abord, le premier … « choc ». Rencontrer Jorge Manilla. Un Monsieur du bijou. Séquence émotion. c’est que je n’ai pas l’air mais je suis très timide, et très naïve, et très impressionnable …..
Puis, le second choc …… la conférence.
Il parle, doucement, de violence. Il revient à plusieurs reprises sur « l’actualité » du Mexique, la violence des rues, les morts, les tueries, la drogue, les armes, les mafias, cette actualité à laquelle il revient, inlassablement, quotidiennement, comme malgré lui, comme attiré par un aimant. Il le dit doucement, calmement, d’une voix douce, avec un sourire, il nous parle de la mort au quotidien au Mexique, si présente, si ….. « habituelle », si … « courante », cette mort violente qui fait partie de la vie de tous les jours. Cette mort qui est partie intégrante de la vie, et plus particulièrement pour certaines cultures, sans cette crainte, cette peur ou ce refus que nous lui vouont dans nos cultures contemporaines de pays « développés » ….
Ils nous fait même rire, nous racontant ses « transferts » d’ »human ribs » trouvés dans la décharge d’un cimetière et ramenés en Hollande dans son sac à dos, son histoire,, racontée à la douane, d’os trouvés dans le jardin de sa grand’mère par le chien, le douanier et son regard entre halluciné, dubitatif, soupçonneux … « have fun with your dog » …. les « human ribs » méticuleusement nettoyés, en se posant mille questions sur QUI pouvait être cet être humain, quelle existence, quelle vie …. , les os découpés, tronçonnés, leur « beauté intérieure » et le bijou qui en découle …..
Jorge Manilla – collier de la serie ‘metamorfosis divinas’ detail
Et il parle, de son travail, de sa création, de ses bijoux. Il parle de ses nouvelles créations, qui nous racontent sa vision de « sauvagerie contemporaine ». Toujours de cette voix calme. Cela « rentre », « s’enregistre », inconsciemment, comme une « petite musique de nuit ».
J’entends beaucoup ce fait qu’il vient et revient sur « son » matériau, un matériau qu’il casse et coupe et déchiquette et détruit pour se l’approprier, qu’il soit bois, cuir, os, plâtre, il lui faut le « digérer » pour le « recracher » totalement transformé, « fait sien ». Ce n’est plus du cuir, ou du bois, ou autre … c’est ….. « matériaux divers », « mixed materials », lit-on régulièrement …… c’est ce que son corps -ses mains-, son mental, son imaginaire, son vécu, son ressenti « regurgitent ».
Un mot espagnol rend -à mon oreille- parfaitement cela : son matériau est « machacado », haché menu ….
La mort est violence faite à la vie, mais manger, mastiquer, mâcher, faire craquer les os, transformer, digérer, pour vivre, est destruction, mais EST VIE, EST violence !
Il suffit de voir un gros plan de son matériau :
Jorge Manilla – « Contemporary Savagery » (te mato por que te amo) (detail) 2013
C’est pure digestion, défécation, régénération, transformation, régurgitation, plus rien n’est reconnaissable, identifiable. C’est SON matériau. Alors avec ça il peut commencer à créer.
Et là, le troisième choc. Après les paroles. Je parodierais en disant « après les mots… le choc des bijoux » ! On rentre dans une salle. Obscure.
Jorge Manilla al FAD Barcelona 2013 : « Contemporary Savagery » (photo Morebcn)
Et noir sur noir, dans le noir, sous des spots de lumière crue, une rangée de …. bêtes ? déchets ? carcasses ? viscères desséchés ? restes d’animaux ? choses calcinées, carbonisées, d’un autre age ? …… bijoux ??!!? vous attendent, en rangs, en silence, alignés …..
Moi qui d’habitude tripote, essaye, retourne, là je suis déroutée, intimidée, subjuguée. Quoi faire avec … « ça » ?? le porter ? je n’ose même pas essayer …. ça a un toucher de … peau veloutée, ou rêche, de … « trucs à poils », dur et mou …
Ce n’est pas du bijou « doux », comme pourrait l’être une bague ronde et lisse en porcelaine de Violaine Ulmer par exemple, ce n’est pas du bijou « pour jours calmes », ce n’est pas un bijou « en paix », est-ce même un « bijou »? le porterais-je ? c’est un cri, une blessure, une plaie ouverte, une souffrance qui a été, un mal intériorisé, c’est …. c’est impressionnant.
Rien dire. Regarder. Se laisser imprégner. Se laisser envahir. imprimer dans sa mémoire. Se laisser marquer.
Jorge Manilla al FAD Barcelona 2013 : « Contemporary Savagery » (photo Morebcn)
Jorge Manilla – « Contemporary Savagery » 2012. Necklace: mixed materials. Photo courtesy of the artist
“For some people violence is living proof that man is a savage… for other people it is the road to civility. Regardless of our understanding or appreciation of the subject, the only thing that we can be sure of is that violence is a part of our human nature.
While researching for this project, I found that most of the time humans perceive, relate to each other and are motivated through their raw emotions. For example: fear, passion, jealousy, cowardice, pain, rancor, bad blood, sadness and even love are concepts that are buried within the reasons for violence. This range of diverse emotion, rational and irrational, are the reasons why violence became the source of inspiration for my work.
In my artistic research, I decided not to work literally with violence but with violent thoughts, feelings and memories. I explore In which moment we become a victim and in which moment we are the victimizers ? As a result, I have made troubled objects in non-attractive shapes with surprising and frightening images. I created the imperfect perfection, black images that mirror and reflect our imperfect reality. My materials create cataclysmic scenes, explosions that seem to melt the objects.
In the end my objects are no longer merely materials and distorted shapes but rather dissected feelings, broken memories, and dry organs that reveal a naked soul and the fragility of our situation”.
Jorge Manilla
PS : je fais exprès de ne pas mettre de photos « en clair » des bijoux de cette série « contemporary savagery » : je vous laisse les découvrir par vous-même ici et là
(par exemple chez ma « confrère » de Mar de Color Rosa )