Quelles histoires résident dans l’esprit de l’artiste lorsqu’il crée ? D’où vient ce choix de matières ou l’utilisation de certaines techniques pour transmettre une idée ? C’est à ces questions que tente de répondre cette exposition par la mise en valeur des mythologies personnelles de huit artistes dans le but de s’exprimer par le biais d’une œuvre d’art à porter ou arborer.
Ce sont ces histoires intérieures que nous essayerons de mettre en valeur, quatre groupes ont donc été constitués par des liens établis par l’intermédiaire de choix de techniques, de matières, de vocabulaire formel ou conceptuel afin de mettre en lien de jeunes artistes issus d’écoles françaises abordant le bijou d’art face à un artiste étranger de renommée internationale.
Quatre thématiques seront donc abordées par chaque artiste mais il faudra également que chacun réalise une Œuvre en employant la matière de l’autre artiste de l’équipe afin de mettre en valeur l’idée derrière l’œuvre et celle qui anime la main.
Textes de l’ exposition par / Texts of the exhibition by :
Nichka Marobin – Blo(g)azette –
The Morning Bark
Autour de diverses thématiques, quatre équipes ont été constituées pour créer des passerelles entre les pratiques de jeunes artistes français et de grands noms internationaux du bijou d’art afin de mettre en valeur le caractère universel du bijou comme objet d’expression pour l’artiste et de communication pour son porteur.
« Les artistes, appelés à créer une pièce pour chaque thème, ont également été appelés à créer deux bijoux sur leur propre sujet spécifique, l’un utilisant le matériel que l’autre artiste aurait utilisé ; l’autre doit contenir un mot supplémentaire, celui que l’autre personne de l’équipe aura utilisé pour décrire le travail de son coéquipier. En ce sens, le dialogue entre les artistes se manifeste par le discours des matières et évolue sous notre regard.
L’un des aspects les plus fascinants de l’exposition Materio Talk a été le fait que chaque artiste ait dû choisir un mot spécifique pour décrire le travail de son propre coéquipier. D’un même lemme, tous les artistes engagés dans ce projet ont développé leurs propres langages formels en constante réciprocité avec leur propre collègue, donnant vie à un dialogue tangible, mais particulier, sur les formes, les idées et les bijoux, capable de transmettre de grands sujets dans une petite taille. »
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Beautés Primitives / Primal Beauty
« On ne peut comprendre son propre présent sans le passé car le passé fait partie de nous-mêmes et nous devons l’embrasser.
Le passé, et plus précisément le temps préhistorique, est le principal domaine d’étude de l’artiste grec Akis Goumas et de la française Marion Fillancq. Pour les deux, cette quête archéologique est, avant tout, une quête pour eux-mêmes.
Les fragments de la mer Egée permettent à Akis de construire son langage formel, tandis que les anciennes techniques du verre sont le point de départ de l’investigation de Marion: ils concentrent leurs travaux sur une mémoire reconstruite capable d’englober notre contemporanéité et qui posent toujours des considérations ouvertes sur la nature intérieure de l’homme. »
Nichka Marobin
Akis Goumas - Pendant: Inner, 2017 – Hammered bronze, casted sheets, steel, obsidian, pigments – Photo by: V. Xenias
« Je suis impliqué depuis plus d’une décennie dans l’étude des découvertes préhistoriques de la région égéenne et cela a affecté mon rapport au bijou. Mon processus créatif se développe comme une fouille conceptuelle en mon for intérieur et met en évidence des émotions, les impressions de souvenirs personnels ou collectifs, ou bien même des évènements obscurs du passé.
Dans un certain sens, ce processus ressemble à une excavation archéologique dans laquelle chaque couche a les caractéristiques d’une certaine période.«
www.akisgoumasgallery.com – Akis Goumas Marion Fillancq, pensée taille – Nucléus & marionites - photo F. Golfier
« Alors que l’Homme de la préhistoire taillait la pierre pour ses besoins. Il semble que nous taillons encore aujourd’hui, pour nos désirs. Ce postulat constitue la base du travail de Marion Fillancq et met en évidence des idées, concepts, ou esthétiques contraires. Ironisant souvent sur l’idée du luxe, c’est aussi certains statuts du bijou lui-même qui sont bousculés, créant une dualité contre laquelle Marion Fillancq elle-même, a du mal à lutter.«
www.marionfillancq.com – Marion Fillancq
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Symétrie organique / Organic Symetry
« Le groupe d’oeuvres de l’artiste estonien Tanel Veenre et le français Sébastien Carré est regroupé sous le thème «Symétrie organique»: le premier s’inspire de la sexualité et explore comment, à partir de la symétrie humaine de l’appareil reproducteur, de nouvelles formes peuvent être réalisées dans une pureté de lignes capables de devenir autre chose et dépasser la mimesis de la réalité.
Les éléments organiques employés par Sébastien Carré lui permettent de créer de nouveaux mondes; des minéraux et de la végétation aux pellicules de film, tout peut être mélangé et rassemblé afin de créer un nouveau langage plastique. Les éléments assemblés sont soigneusement étudiés, choisis et ils témoignent de la nécessité pour l’artiste français d’étudier ce lien intérieur entre tous les êtres humains et les autres espèces.«
Nichka Marobin
Sébastien Carré - Necklace: Cultural Balance, 2017 Sharkskin, Pearls, beads, filmstrip, cotton, silk and nylon thread – photo Milo Lee
« Végétal, animal et minéral sont combinés dans ces bijoux aux formes de paysages. Mélanger ces matières interactives me permet de réveiller un corps qui tend à être plus insensible en raison d’une société surconnectée. Célébrer la diversité nous fera grandir. Dans l’histoire du vivant, si les cellules n’avaient pas coopéré au lieu d’essayer de se détruire, la vie n’aurait jamais produit l’homme. Chérissons la diversité, être ensemble est déjà un trésor. »
www.sebastiencarre.com
Sébastien Carré
Tanel Veenre – Brooch: Crown of the Nature, 2017 Wood, reconstructed coral, silver, cosmic dust – Photo by: Tanel Veenre
» Je suis intéressé d’aller au-delà de la raison, de trouver le noyau de l’humain sous cette épaisse couche de culture. Les expériences extatiques sont comme des portes ouvertes vers le côté animal de l’Homme. Pour mon travail, j’ai basé mes recherches tout autant sur l’extase religieuse que sexuelle pour transcrire cette sensation de se perdre dans le plaisir. Je poursuis donc certaines idées du Baroque pour qui l’art se doit de produire une réponse émotionnelle du spectateur. Mes oeuvres sont donc une allégorie, qui vise à retranscrire ce pouvoir de la sensualité pour arriver à l’accomplissement de cette Utopie du plaisir. »
www.tanelveenre.com
Tanel Veenre
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Cultures Modulaires / Modular Culture
« La méditation contemporaine sur l’utilisation de l’argile et de la porcelaine est le principal trait d’union entre l’artiste néerlandais Peter Hoogeboom et l’artiste thaï-française Yiumsiri Vantanapindu pour le thème «Cultures Modulaires».
La recherche de Peter Hoogeboom commence par l’étude des éléments individuels en argile de l’histoire ancienne qui sont après transformés en petits morceaux numériques. Les pièces souples et élégantes rappellent cette vocation pour l’Antiquité et la culture passée qui émerge clairement de ses oeuvres. Ainsi, la mémoire collective et historique qui réside dans l’étude constante des techniques d’argile et de porcelaine d’Europe et d’Asie fournit des résultats inattendus. Une culture métissée et le concept d’hybridation offrent à Yiumsiri Vantanapindu un domaine d’étude et de création témoignant l’importance et la richesse des langues qu’une civilisation «sans frontières» pourrait offrir. Née en Thaïlande et vivant maintenant en France, la recherche de Yiumsiri se concentre sur le dialogue constant sur le passé et le présent, sur la mémoire collective et la contemporanéité en mélangeant les cultures. Ses pièces d’argile, de basalte, de porcelaine et de métaux sont une méditation sur son propre héritage avec une vue contemporaine. »
Nichka Marobin
Peter Hoogeboom - Necklace: Sacrifice, 2017 – Porcelain, silver, rubber, nylon. – 24 x 21 x 3.5 cm – Photo by: Peter Hoogeboom – From series: Broken
« Depuis 1995, j’applique de la céramique dans mes bijoux, un matériau qui dans son emploi contemporain est principalement utilisé pour fabriquer de la vaisselle. Parce que la fonction utilitaire de la céramique a été fortement liée à l’homme depuis le début de la préhistoire, je me réfère à cela en fabriquant de petits éléments en forme de jarre, de coupe ou de pot. On peut également faire référence à l’argile / terre en tant que nourriture pour les cultures dont nous nous nourrissons ainsi que notre bétail. »
www.peterhoogeboom.nl
Peter Hoogeboom
Yiumsiri Vantanapindu Bracelet: Black-Kam-Laï, 2017 Black porcelain and metal
« Une frontière est un endroit composé de couches différentes, d’une ligne imaginaire à un endroit particulier, séparant ou regroupant deux territoires. Mon travail tourne autour du thème: «Sans Frontières». Par cela je souhaite exprimer que pour envisager un travail entre deux cultures, je dois ancrer ma réflexion par rapport aux diverses philosophies des lieux dans lesquels je crée tout autant que les différentes identités qui font l’individu que je suis. Par conséquent, l’art contemporain comme je l’appréhende se doit de souligner la diversité d’une manière intelligible. »
www.yiumsirivantanapindu.carbonmade.com
Yiumsiri Vantanapindu
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Merveilles naturelles / Natural Wonder
« En observant les pièces de la suédoise Märta Mattsson et de la française Marie Masson, on est fasciné par le sens de la “circularité” qui s’exprime par le biais des éléments naturels utilisés par les deux artistes. Le sens de cette «renaissance» (mot utilisé par Märta Mattsson pour présenter son travail) ressort clairement des travaux de ces deux artistes fascinées par la nature. Dans le cas spécifique de Märta, les insectes sont ramenés à une vie éclatante qui nous charme grâce à un nouveau sentiment d’émerveillement. Pour Marie, les éléments naturels tels que la peau, les cheveux, le crin et les fourrures sont assemblés afin de recréer de nouvelles pièces qui re-méditent le corps lui-même. Dans ce sens, en regardant ces travaux, on peut penser au symbole antique et mythologique d’Ouroboros (du grec ancien οuροβoros), le serpent ou le dragon mangeant sa propre queue, représentant la renaissance éternelle.«
Nichka Marobin
Märta Mattsson Brooch: Insectomania, 2017 Cicada wings, wood, glass, resin, lacquer, cubic zirconia, pigment, silver Photo by: Märta Mattsson
« Je trouve parfois de la beauté dans les choses que certains trouvent étranges ou repoussantes. Je suis fascinée quand il y a quelque chose que vous ne voulez pas voir et le sentiment provoqué par cette envie de ne pas regarder, bien qu’au final on finisse toujours par regarder. Mes bijoux jouent de cette tension entre attraction et répulsion. J’emploie des matières qui semblent inappropriées au premier abord, rendant l’ordinaire et les objets familiers extraordinaires et inconnus. »
www.martamattsson.com
Märta Mattsson
Marie Masson © Marie Masson – Cocarde – 2017 – Broche Cuir, plumes de faisan, Hématite, zinc
« Le travail de Marie Masson se situe entre le bijou contemporain, les arts décoratifs, la sculpture, la mode et l’objet de curiosité. Cheveux, crins, poils et peaux, racontent la mise à nu du corps. Sur mesure, elle assemble, détourne, et met en évidence des attributs naturels de l’homme et de l’animal. Elle les considère en tant que premières parures visibles et propose des objets singuliers, restituant une intimité artificielle. »
www.marie-masson.com
Marie Masson
As an art, jewellery creations are, at the same time, products of an established historical moment and pieces which carry with themselves layers of memory, universal messages of beauty and, above all, languages able to survive during the years. They are yet ephemeral because they can be broken, dismantled, fused and recomposed following the desires and circumstances of contingency and need.
More than traditional jewellery, contemporary jewellery offers a multiplicity of panoramas and languages. The use of different materials and the subversion of the hierarchy of what might be considered precious changed all perspectives. It is an evidence nowadays: studio jewellery is made also of non-precious metals and non-precious stones. From iron to plastics, from paper to wood, from fibers to insects each material can be worked, re-built and assembled in order to become a jewel, varying the traditional concepts of value and preciousness.
As different cartographies, contemporary jewels map and evoke new worlds and histories; they offer new languages and confront the viewer and the wearer to new perspectives and new interpretations.
Under the common vault of contemporary jewellery, materials surface as a formal language, the one that identifies an artist. Nevertheless, each Artist is always his/her own work: in each piece life blooms, emerges and marks a moment; the formal language reveals itself through the use of a specific material.
As a language, it evolves over the years and it finds similarities among the great variety of contemporary jewellery world creating unexpected connections and links.
The exhibition MATERIO-TALK, organized by the French Artist Sébastien Carré, focuses on the use of a specific material as a form of language and all the possible connections with other artists who are using the same material.
The themes proposed in this exhibition gather four French contemporary jewellers to four International contemporary jewellers, in order to investigate how the use of a common and specific material as a formal language can be achieved from two different sides, exploring the artistic process and all the connections between the artists.
The artists, called to create a piece for each theme, were called also to create two jewels on their own specific subject, one using the material that the other artist will have used. In addition to this, the second piece had to contain an additional word, the one that the other person in the team will have used to describe the work of his teammate. In this sense, the talk of material becomes a tangible conversation and dialogues are in front of our eyes.
One of a fascinatingaspect of the exhibition Materio-Talk has been the fact each artist had to choose a specific word in order to describe the work of his/her own teammate. From one single lemma all the Artists involved in this project developed their own languages in constant reciprocity with their own fellow member, giving life to a tangible, yet peculiar dialogue on forms, ideas, and jewels, able to convey great subjects in a small size.
As an invited collaborator of this group, I here add my own word able to embrace the whole production of Materio-Talk: transformation. / Nichka Marobin
Les Ateliers de Paris
30 rue du Faubourg Saint-Antoine
75012 Paris
(M° Bastille)
Tél. : 01 44 73 83 50
http://www.ateliersdeparis.com