BIJOU_CONTEMPORAIN

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07/01/2014

Pour vivre heureux, vivons caché ….

« Un bijou peut se porter ostensiblement, mais on peut aussi vouloir le cacher. Sa préciosité devient alors un “trésor” que seuls connaissent celui ou celle qui le porte, celui ou celle qui l’a inventé. On rejoint là une idée chère aux dandys des temps anciens qui portaient des baleines en or dans leur col de chemise. Des artistes contemporains ont développé cette conception et créé leurs propres histoires. Un bijou, c’est essentiellement la présence de l’autre sur soi, transmis d’un patrimoine familial ou cadeau d’un être aimant. L’artiste peut décider de nommer bijou un objet et lui donner ce statut. Ainsi, comme le souligne Marie-Ange Guilleminot, on pourrait imaginer de donner ce statut au parfum d’un savon, qui devient ainsi parure-présence éphémère entre deux êtres complices. Virginie Bois l’a conçu avec de la fumée ou de la glace ………  [dans] une oeuvre qu’elle a réalisée il y a cinq ans pour un mariage. On lui avait commandé un bijou. Elle a alors proposé une feuille d’or qu’on applique sur la peau. Ce bijou ne vit que s’il est porté. Il change jusqu’à disparaître complètement. Seul le temps le vole inéluctablement. C’est une préciosité qu’on ne peut garder, un bijou qu’on oublie aussitôt après avoir choisi où l’appliquer. La feuille agit, impliquant naturellement une attitude de dignité devant ce qui est un symbole, une idée, une histoire. Seul le regard de l’autre révèle sa présence. L’art vous va si bien… » Marc Pottier

Le MAITRE de ce jeu de cache-cache étant bien sur Otto Künzli !

voir aussi  HOW TO PRONG & SET sur Pinterest ……

 

Otto Kunzli, Otto Künzli  Bracelet: Gold Makes Blind 1980  Gold, rubber  Photo: © VG BildKunst 2013Otto Künzli – « Gold Makes You Blind », gold, rubber, 1980 – a ball of gold encased in a black rubber bangle – INVISIBLE !

Marta Mattson - “Black Beetle” FlourishRing in copper, pearls, lacquer and resin 600£ Marta Mattson – “Black Beetle” FlourishRing in copper, pearls, lacquer and resin

Marta Mattson.  brooch made out of walnut wood, beetle, cubic zirconias, resin, lacquer and silver.Marta Mattsson brooch – made out of walnut wood, beetle, cubic zirconias, resin, lacquer and silver.

Etsuko Sonobe  Necklace  18-karat gold, pearls  http://etsukosonobe.comEtsuko Sonobe  Necklace  18-karat gold, pearls 
Nick Dong Ring - vivre caché .....
Nick Dong Ring – vivre caché …..
For the Ancestors. 2008. Ring. 18k gold, plastic, sapphire, aquamarine, Lawrence WoodfordLawrence Woodford - For the Ancestors. 2008. Ring. 18k gold, plastic, sapphire, aquamarine

 Alan Revere - "implosion" ring - gold, diamondsAlan Revere – « implosion » ring – gold, diamonds  inside out idea Ball Track bangle - Sean O'Connell -    Stainless steel, ruby ball bearingsSean O’Connell – Ball Track bangle -     Stainless steel, ruby ball bearings

Sam-Tho Duong – The Magic of GingerSam-Tho Duong – The Magic of Ginger – brooch in silver and nylon with dyed coral stones
Sam Tho Duong - brooch from "ginger" collection Sam Tho Duong – brooch from « ginger » collection

lia di gregorioLia Di Gregorio Bracelet « Pearls inside » in brushed yellow gold and white pearls.

Tina Chow designed bracelet - woven basketry with, inside, "free" rough stones ....Tina Chow designed bracelet – woven basketry with, inside, « free » rough stones …. free … and hide
The Rattle ring. Clever design with inside compartments for eight diamonds that will rattle inside the ring when worn - by john ReinholdJohn Reinhold – The Rattle ring -  inside compartments for eight diamonds that will rattle inside the ring when worn
kathy frey: sculptural wire jewelry - Floating Pearl BangleKathy Frey – Floating Pearl Riverstone Bangle 2011

KJL jet bangleKJL (Kenneth J Lane) jet bangle

Ring | G.Kabirski. Gold, sapphires and diamonds G.Kabirski -  Ring – Gold, sapphires and diamonds

 

Les boucles d'oreilles de Melanie Georgacopoulos

Melanie Georgacopoulos earrings

24/06/2012

Pour vivre heureux vivons cachés …..

Le premier bijou dans ce sens -où « l’essentiel » était caché- qui m’ait « interpellée était le bijou  d’ Otto Kunzli, ce bracelet en gomme où  une boule d’or était cachée …. ça m’a longtemps épaté, émerveillé, fait fantasmer ….

Pour vivre heureux vivons cachés ..... dans BOOKS / BIBLIO 1997_6_30Otto Künzli – Gold Makes You Blind – gold, rubber, 1980 – Photo Credit: Eva Heyd (MAD Museum collection)
bracelet, rubber in which a golden ball, design 1980, execution ca.1998, Switzerland

Puis, il y a eu le bracelet de Tina Chow qui m’a longtemps fait rêver …  ce « tressage » qui cache des pierres précieuses non taillées, à l’état brut, doublement mystérieuses ….

Tina Chow designed bracelet - woven basketry with, inside, "free" rough stones ....Tina Chow designed bracelet – woven basketry with, inside, « free » rough stones ….

INSIDE DIMOND RING. By tmh at gallery Deux Poissons.INSIDE DIMOND RING. By TMH at gallery Deux Poissons

NiessingNiessing ring

Nick Dong Ring - vivre caché .....Nick Dong Ring

Lia Di GregorioLia Di Gregorio bracelet

Sam Tho Duong - brooch from "ginger" collectionSam Tho Duong – brooch from « ginger » collection

Kathy Frey - Floating Pearl Riverstone Bangle - 525 $Kathy Frey – Floating Pearl Riverstone Bangle

The Rattle ring. Clever design with inside compartments for eight diamonds that will rattle inside the ring when worn.John Reinhold  – The Rattle ring. Clever design with inside compartments for eight diamonds that will rattle inside the ring when worn
Alan Revere - "implosion" ring - gold, diamondsAlan Revere – « implosion » ring – gold, diamonds
Ball Track bangle - Sean O'Connell -    Stainless steel, ruby ball bearings Sean O’Connell -   ball Track bangle – Stainless steel, ruby ball bearings
coll-09pic05-xl dans COUP DE COEURcoll-09pic04-xl dans Kathy FREY (US)
Ingeborg Vandamme ‘diary ring II’ – closed & open -  silver, paper – http://www.ingeborgvandamme.nl/
caché- Katja Prins -rubber & pearl rings - 1997-98Katja Prins -rubber & pearl rings – 1997-98
Merci au livre de Nicolas Estrada « New Rings » qui a apporté de l’eau à mon moulin
New Rings: 500+ Designs from Around the World  – by Nicolas Estrada – June 2011 – Thames & Hudson – 272 pp

06/04/2010

« C’EST QUOI UN BIJOU CONTEMPORAIN ? » – SYLVIE LAMBERT

Depuis des années, Sylvie Lambert travaille dans le domaine du bijou contemporain, par la mise en place d’expositions, le suivi d’artistes, la rédaction d’articles et l’écriture d’un gros ouvrage sur la bague dans les années 2000. L’auteur du livre «La bague, parcours historique et symbolique» est actuellement engagée dans la recherche et termine une thèse de doctorat à l’université de la Sorbonne à Paris sur le bijou contemporain … Une thèse laissée en suspens il y a quelques années, un travail élaboré sous un angle complexe, en relation avec la réalité technique du bijou, une recherche approfondie sur les œuvres elles-mêmes, en particulier à travers les vitrines et au fond des réserves du Musée des Arts Décoratifs de Paris, du Victoria & Albert Museum de Londres et du Schmuckmuseum de Pforzheim. Les conservateurs lui ont ouvert toutes les portes, et Sylvie Lambert a pu étudier ces bijoux sous toutes leurs coutures !

ENTRE TECHNIQUE ET HISTOIRE DU BIJOU

C’est quoi un bijou contemporain ? Pour Sylvie Lambert, cette question renvoie immédiatement à cette autre interrogation bien plus large « Qu’est-ce qu’un bijou en général ? ». Les bijoux qu’elle nous montre semblent au premier abord bien loin de la haute joaillerie avec ses matières précieuses. Ils sont d’un autre type, ils ont été réalisés à base de soie, de polyester, de plexiglas, parfois en argent, en or, ou à travers un fossile ! Des bijoux surprenants ! Bijoux impossibles ! Bijoux importables ! Bijoux inconfortables ! Mais alors, de quoi est-il question avec ces objets ?

Dans un dictionnaire, la définition du mot «bijou» se présente comme un objet de parure dont la matière ou le travail est précieux… Pour Sylvie Lambert, cette définition est floue, et c’est bien tout le problème ! Le premier élément qui constituerait un véritable bijou serait donc la matière, et on imagine cette matière plutôt précieuse de par les métaux et les pierres. La valeur financière du bijou est donc accordée en fonction des matériaux, du coût du carat, du temps de travail effectué, et pourquoi pas de l’environnement marketing qu’il faudra développer pour vendre le bijou ! « Mais alors, comment comprendre ce collier de dents et fibres de Polynésie, ou encore ce pectoral en coquillages, graines, canines de porc, fibre et résine de Mélanésie ? » Bijoux ou pas bijoux ? Ces deux «objets d’ornement» ne peuvent exister sans un rituel précis et codé. On ne porte en effet pas ces bijoux pour se faire beau et se rendre à une soirée entre copains, on porte ces bijoux lors de cérémonies bien précises. Ils sont donc pensés et reconnus comme tels en Polynésie ou en Mélanésie… Et, ils ne sont pas constitués forcément d’or, de matières précieuses ! Ils n’ont pas d’environnement marketing ou publicitaire non plus !

Autre piste de définition, la finalité et la destination auxquelles on assigne le bijou : la parure du doigt, du bras, ou du cou. Mais alors, comment établir la différence entre un collier et une cravate ? Entre une collerette et une parure ? Un gant et une bague ? La manche d’un vêtement et un bracelet ? «Eh bien, ça ne marche plus du tout non plus ! puisque la matière n’est pas toujours précieuse, on peine dorénavant à dire qu’un collier est en métal et un vêtement en tissu !»

Autre hypothèse : est-ce que les circonstances sociales au cours desquelles on acquiert un bijou ou décide d’en porter un peuvent avoir une incidence sur sa définition ? «La bague de fiançailles que l’on acquiert le jour de ses fiançailles, l’anneau nuptial le jour de son mariage, la couronne du roi et de la reine le jour du couronnement ou, de manière plus proche de nous, les bijoux que vous avez choisi de porter ce soir, jour du vernissage de votre propre exposition, peuvent-ils nous renseigner sur ce qu’est un bijou ? » Ou encore, faut-il mentionner au contraire les circonstances où on préfère justement enlever le bijou, ne pas le porter… Les moments où on se lave les mains, prend sa douche, épluche des légumes, répare son scooter ou se glisse sous sa couette… Des moments du quotidien qui sont autant et surtout des questions d’usage !

Une définition «floue» du bijou… On n’est effectivement pas très avancé avec les notions de préciosité, de petitesse, de finalité sur le corps ou d’environnement social… Quant est-il des bijoux observés dans des rituels plus proches de nous géographiquement ? Dans la religion catholique, les ornements du pape comme la mitre ou la tiare sont portés essentiellement lors des cérémonies rituelles. En remarquant la dimension et le poids de tels ornements, on imagine bien qu’ils ne sont pas portables en permanence ! Pas vraiment confortables ! Autre concept qui se révèle donc insuffisant pour définir un bijou, celui-ci n’est pas forcément un objet confortable à porter !

En constatant toutes ces analyses, on se doit de reconnaître que le bijou ne peut être étudié que dans un cadre assez large, interdisciplinaire, mêlant bien évidemment la technique et l’histoire de l’art, mais aussi la sociologie et l’anthropologie. Comment donc y voir plus clair ? «En laissant les mots et en partant des objets eux-mêmes, on pourrait, il me semble théoriquement sortir de l’impasse. Partir au contraire de ce que les ouvrages fabriquent me semble se positionner au plus près de la réalité de leurs mécanismes. Avec le bijou, comme avec tout autre objet d’art, nous n’avons pas affaire à un problème de mots, mais d’objets, c’est-à-dire avec une diversité de matières, de fabrications (procédés, outils, gestes) qui impose tel ou tel problème à résoudre techniquement. »

Adopter une autre analyse

Il faut opter pour une autre analyse. Ne pas se contenter d’analyser à travers les vitrines des musées ou par livre interposé. Sylvie Lambert veut privilégier une véritable «archéologie du bijou contemporain !» On dit comme ça à la Sorbonne ! « Aujourd’hui, il me semble que la compréhension technique, c’est-à-dire le fait de partir des objets eux-mêmes, m’a fait d’une part sortir de la démarche historique et de l’interprétation et d’autre part comprendre plus objectivement l’enjeu véritable de ce type d’ouvrages assez surprenants» Une approche de terrain, donc, histoire de comprendre de quoi il est question avec ces objets : les matières, les assemblages, les finalités, les nouveautés en termes d’enfilage, de système d’ouverture et de fermeture, les incidences observables sur la tenue, le maintien, le port, la manipulation. L’auteur fait d’ailleurs régulièrement appel à une créatrice de bijoux pour la guider dans ce décryptage technique.

C’est aussi à travers l’observation méticuleuse, quasi-scientifique des collections des trois musées, à Paris, Londres et Pforzeim que Sylvie Lambert a pu dégager un certain nombre de problématiques ayant une incidence sur les matières utilisées, les procédés, les outils, les gestes, le tout générant des finalités esthétiques tout à fait nouvelles et intéressantes.

Une question intéressante posée dans les années 1970 par les bijoutiers de cette époque : comment fabriquer de la brillance ou de la transparence avec une matière qui n’est pas habituelle au domaine de la bijouterie ? Une bague en plexiglas percé à deux reprises pour un enfilage sur deux doigts. Une autre bague où le cristal de roche a été utilisé, non pas pour le chaton, mais en guise d’anneau !

Autres questions. Autres problématiques autour du bijou contemporain. Comment exploiter une matière naturelle, comme une graine, totalement étrangère au domaine du bijou ? Comment tirer parti d’une matière industrielle, le silicone, non habituelle à la bijouterie ? Comment expérimenter de nouvelles textures pour les métaux, par exemple, selon un polissage plus ou moins appuyé, avec des bains d’acide successifs afin d’obtenir un noircissement de la surface, avec une application d’émail à chaud ou à froid, etc…

Inventer aussi un système d’accrochage nouveau. Pour accrocher la broche présentée, on doit rapprocher le bijou du vêtement, puis le disposer à l’emplacement souhaité puis, par l’intérieur, enfoncer le cercle de caoutchouc. Ainsi «clippée» littéralement au tissu, la broche tient toute seule. Pour désolidariser l’objet du vêtement, il suffit de tirer sur le cordon de satin conçu à cet effet !

Accompagner le bijou par une manipulation particulière… Avant d’enfiler ces trois bagues, il est nécessaire de réaliser un certain nombre de gestes, prendre la boîte fermée, faire glisser les deux formes du coffret, pencher le socle, avant de libérer les bagues en argent… Même démarche avec ce collier de perles emprisonné dans la glycérine ! Pour libérer et enfiler le collier de perles emprisonné dans la glycérine agencée comme un pain de savon, il faut se laver les mains ! « Pour ces deux derniers exemples, on voit combien la manipulation prime sur l’objet final. On gagne en effet en conceptualisation des gestes à effectuer, mais on perd en originalité même du bijou : on se retrouve avec de simples anneaux d’argent ou un banal collier de perles. »

Manon van Kouswijk - pearls necklace in a soap - you get the necklace after washing hands ........ !Manon van Kouswijkcollier de perles emprisonné dans la glycérine ! Pour libérer et enfiler le collier de perles emprisonné dans la glycérine agencée comme un pain de savon, il faut se laver les mains

En effet, dans ce dernier cas, ce n’est plus le collier qui est intéressant, mais l’idée du savon de glycérine qui l’emprisonne ! Le bijou contemporain demeure donc apte à mettre en avant de nouvelles matières, toutes aussi surprenantes les unes que les autres : graines, matières industrielles, métaux, polystyrène expansé, coton, carton, fils… Ces bijoux présentent souvent une grande créativité, un design pertinent, de nouveaux états de surface, de nouvelles couleurs, des effets de teintes inédits, des dégradés inattendus, de nouvelles textures… La rupture volontaire est assumée. Les matières sont étrangères au domaine de la bijouterie, on est très loin des gestes de la tradition !

La rupture s’installe également avec les gestes et les techniques de la bijouterie, puisque les matières sont étrangères au domaine du bijou, on importe les techniques, les outils, les gestes liés à ces nouvelles matières ! On peut aussi chercher à appliquer à ces nouvelles matières les techniques tout à fait traditionnelles de la bijouterie. « Quoi qu’il en soit, toutes ces ruptures qui s’opèrent volontairement au fil de la fabrication, tous ces choix qui se font aux différentes étapes, toutes ces possibilités nouvelles offertes à la seule envie créative des bijoutiers ouvrent donc d’autant la voie à une expérimentation qui se révèle être totalement et absolument infinie. »

Quand un élément naturel ou industriel devient bijou

Le bijou contemporain, c’est probablement avant tout une pratique créative et innovante qui se traduit par une volonté d’expérimentation quasi systématique ! Un autre exemple caractéristique de ces bijoux contemporains est sûrement l’œuf de caille percé et ajusté sur du métal pour constituer une bague. Travail d’une délicatesse totale, on l’imagine, pour percer l’œuf sans le casser en mille morceaux ! «Mais percer quelque chose est en soi une technique tout à fait traditionnelle, vous en conviendrez. En fait ici, ce qui est pertinent, c’est d’avoir importé, dans le domaine du bijou, une matière qui, traditionnellement, n’en fait pas partie. D’ailleurs, on se rend vite compte, que c’est le fait d’avoir opté pour l’œuf de caille qui est intéressant ici et moins l’effet blanc craquelé produit au travers d’une forme ronde, tout compte fait, assez commune. En fait, ce qui me semble tout à fait intéressant ici pour cet objet, c’est de se dire… Bon sang mais oui…, c’est de l’œuf, c’est donc super fragile… Mais qu’est-ce que c’est osé d’avoir choisi un œuf et de l’avoir transformé en bague sans le casser ! Quel tour de force technique ! »

Gilles JONEMANN  bague oeuf
Gilles Jonemann bague oeuf de caille

Des vis en or qui relient un os de vache à une structure de métal. Cette broche qui utilise de manière originale un os animal est plutôt petite, mais elle a été rehaussée par tout un travail assez méticuleux du métal, travail qui la dote, après-coup d’un aspect finalement plutôt précieux. Mais c’est tout de même, l’importation d’un os de vache, matière vraiment peu banale pour la bijouterie, qui reste dans cette pièce, le fait plus marquant.

patricia lemaire- arche-du-temps
Patricia Lemaire – broche « arche-du-temps »

Autre bague étonnante, celle qui présente une pierre ponce retenue par une tige à une hauteur de 12,2 centimètres ! Autant dire que ce bijou n’est pas très pratique à porter ! Mais, la remarque est dérisoire, tant l’objet est surprenant, et c’est bien l’exploitation de la dimension qui est le critère le plus marquant !

Autres matières nouvelles et tout autant étonnantes : des écailles de poissons percées puis enfilées les unes à la suite des autres pour former un collier ! Un fil d’acier avec une perle d’arrêt au point stratégique de liaison, qui relie des fragments d’œuf d’émeu afin d’éviter le recours à un enfilage traditionnel. Pour résumer, une matière inhabituelle enfilée de manière inhabituelle ! Un bracelet composé de bambou et de topazes où les méthodes de la vannerie ont été transposées pour constituer la trame ! Ici, la transposition de la technique de la vannerie dans le domaine du bijou a permis la fabrication d’une structure évidée et ajourée à l’intérieur de laquelle les topazes se déplacent librement au gré des mouvements du porteur. On passe outre les techniques du sertissage !

Gilles JONEMANN collier oeuf d'emeu
Gilles Jonemann – collier oeuf d’emeu

Tina Chow Kyoto bracelet Tina Chow bamboo & crystal « Tokyo » bracelet

Quand un élément industriel devient bijou ! On découvre ici des assemblages surprenants ! Il s’agit de bois aggloméré coupé, taillé, percé, transformé en bague. Les matières sont collées les unes aux autres. Le collage est une technique d’assemblage, et avec ces matières nouvelles, comme le polystyrène expansé et les tubes chromés, cette technique permet d’obtenir un effet visuel contrasté et inhabituel, dû à la juxtaposition de matières d’origines différentes.

Anthony Roussel  - small wave ring
Anthony Roussel  – small wave ring

Eléments industriels et véritables métamorphoses de l’objet… On parle alors de «ready-made» ! Le terme est inventé par les dadaïstes, notamment Marcel Duchamp dans les années 1920 qui présente sa roue de bicyclette sur un tabouret ou son bidet, deux œuvres iconoclastes et très célèbres ! Ici, il s’agit de l’importation d’un objet déjà fabriqué dans le domaine du bijou, par exemple d’une chambre à air de brouette savamment découpée puis peinte en or ! Eléments issus de l’industrie et laissés quasiment tels quel : des goulots de bouteille enfilés les uns à la suite des autres ! Des ressorts transformés en collier et en bague ! Des pellicules photo enfilées également les unes à la suite des autres ! Une punaise qui devient une broche ! Un bouchon de lavabo qui a été moulé pour devenir une bague !

Bernhard Schobinger 1988Verena SIEBER-FUCHS- Collier 1997- pellicules photo
Bernhard Schobinger 1988
Verena Sieber-Fuchs- Collier 1997- pellicules photo

Mise en perspective

Evidemment, on peut se poser d’autres questions. Quand peut-on porter de tels bijoux ? «Avec le bijou contemporain, vous l’avez remarqué, il est nettement moins question de bague de fiançailles ou d’anneau nuptial, donc de bijoux qui mettent les acquéreurs et les porteurs dans l’état de fiancé, dans l’état de femme ou de mari. Ces bijoux se portent en revanche plus volontiers dans des occasions que l’on peut appeler de partenariat : c’est-à-dire soirées, dîners entre amis, vernissages d’exposition ; également pour aller à l’opéra, au théâtre, au cinéma… En somme, toutes ces fois où l’on n’a pas de rôle particulier à jouer» Envie de style. Envie de se différencier de son voisin également. De nouvelles perspectives sociologiques sans doute. On comprend mieux que le bijou contemporain est sans doute une grande affaire de style, ce qui explique cette multiplication de styles personnels et particuliers que l’on observe, d’une part chez les porteurs, d’autres part chez les fabricants eux-mêmes. Mais visiblement, avec ces objets expérimentaux, il semble aussi que l’on manque cruellement aujourd’hui de circonstances sociales qui en permettraient un port plus régulier : on n’est en effet pas tous les jours de la semaine de sortie, que ce soit au théâtre, à l’opéra, en soirée avec ses voisins et ses copains ou en train de visiter une exposition d’art ultra branchée.

Le bijou contemporain, c’est donc bien une problématique avant tout d’expérimentation et de rupture dans le fait de viser une originalité ou une transgression à tout prix et flirter parfois aussi avec la morale, l’exemple de ce collier en silicone tout à l’heure qui représentait les parties génitales masculines !

Cette manière d’envisager la création n’est pas strictement réservée aux bijoux, elle touche bien sûr des domaines très proches comme le vêtement et le design : «Côté vêtement, on observe exactement le même phénomène de rupture et d’expérimentation dès les années 1965 avec le couturier français Paco Rabane. Ici, il n’est plus question de fabriquer des robes avec du tissu, mais d’utiliser le métal en s’aidant d’une technique d’appareillage par anneau appartenant à la bijouterie. La trame se compose de petites surfaces de métal toutes bien similaires et assemblées par des anneaux. Il s’agit d’une robe tout en or, portée par Françoise Hardy en 1968, lors de l’une de ses prestations musicales. Vous avez remarqué le poids : 9 kilos !»

Il est tout de même important de savoir que le domaine du bijou contemporain passe quasiment inaperçu en France depuis son apparition dans les années 1960, au profit d’un style de bijoux issus de la haute joaillerie et de la bijouterie classiques. L’injuste désintérêt de la France pour les bijoux contemporains n’est heureusement pas le cas de nos voisins, Pays-Bas, Allemagne, Suisse, ou Italie exposent plus volontiers ces bijoux. «Question de culture ? Sans doute. Question d’éducation artistique ? Sans doute aussi… on peut dire que cet état de fait a pour seul effet positif de laisser ce domaine plutôt en friche, très peu exploité, sans de vraie théorie pour cerner de quoi il s’agit vraiment… » On mesure combien ce qui se fabrique pour le bijou contemporain semble définitivement tourner autour de la problématique d’une création expérimentale et inédite. On comprend d’autant mieux tout son intérêt en tant qu’œuvre d’art ! « Voici donc un bijou qui a quitté les enjeux autour de la valeur des substances et décadre les gestes traditionnels. Un bijou qui se fait donc moins investiture et plus œuvre artistique au travers d’une pleine et joyeuse expérimentation. Compte tenu de votre orientation plutôt côté métiers d’art, cette conférence avait pour seul et unique projet de vous faire découvrir toutes ces richesses qui existent autour de vous. Richesse dont vous pouvez à présent tirer parti (ou non) dans votre réflexion autour du bijou. »(conférence autour du bijou contemporain, avec Sylvie Lambert, dans le cadre du programme européen Comenius, et du projet «Quand la pierre brute devient bijou !» au LP Jean Guéhenno)

remerciements à Sylvie Lambert , et MERCI à l’équipe du journal « le Mur » du Lycée Jean Guéhenno, merci pour leur compte-rendu de conférence publié et diffusé, et que j’ai entièrement repris ici, dans le but de le diffuser encore et encore !
 
 
BOOK : Sylvie LAMBERT
« La bague,  parcours historique et symbolique »
book - la bague, parcours historique et symbolique - Sylvie lambert
 
 
  »trois musées, à Paris, Londres et Pforzeim » :
* Musée des Arts Décoratifs
107, rue de Rivoli
75001 Paris (FR)
Renseignements au 01 44 55 57 50
www.lesartsdecoratifs.fr
 
* Victoria & Albert Museum (V&A)
V&A South Kensington
Cromwell Road
London SW7 2RL (UK)
+44 (0)20 7942 2000
http://www.vam.ac.uk/index.html
 
*Schmuckmuseum  - Pforzeim
 Jahnstraße 42
im Reuchlinhaus
75173 Pforzheim (Allemagne)
Tél  +49 7231 39 2126
http://www.schmuckmuseum-pforzheim.de/flash/start.html
 
 

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